Catherine Fay ou l’art de la traduction
Catherine Fay a été professeur d’anglais avant que de devenir, entre autres, la traductrice de Sándor Márai. Elle explique dans le journal “Témoigner/Getuigen” les spécificités de la traduction du hongrois vers le français.
Extrait: “La langue hongroise est une langue agglutinante, c’est-à-dire que l’on ajoute à un radical un morphème pour modifier sa fonction. Les noms se déclinent, comme en latin, mais en hongrois, il y a 25 cas, avec des suffixes. Il n’y a pas de genre grammatical. L’ordre des mots est différent. Il y a beaucoup de préverbes : plus de quarante. Et puis, on dit « la langue hongroise », mais la langue d’un Krúdy n’est pas la même que celle d’un Márai ou celle d’un Krasznahorkai !
Quant à la traduction, les difficultés sont multiples et tiennent en partie au fait même de traduire, au fait même de faire passer des idées, des couleurs, des rythmes, des contenus, des idiosyncrasies, etc. d’une langue à une autre ! Quelque chose de plus spécifique au hongrois et qui me pose problème et, je crois, pose problème à tous les traducteurs de hongrois vers le français est la question du temps et des aspects : par exemple, il y a un seul temps en hongrois pour désigner le passé et le traducteur est confronté à un choix en français entre le passé simple, le passé composé et l’imparfait, et parfois même le présent narratif. Il en est de même pour le conditionnel : les deux conditionnels existent en hongrois, mais le conditionnel dit « présent » a souvent une valeur d’irréel ou de passé. Le hongrois passe aussi plus facilement du passé au présent dans un même paragraphe et ces « sautes » sans transition posent parfois problème en français. Le vocabulaire hongrois est très riche en adjectifs et il n’est pas rare de trouver un mot qualifié par deux, trois adjectifs alors que le français est plus chiche : comment rendre les nuances sans avoir l’impression d’être dans une répétition ? Le français n’aime pas la répétition, le hongrois n’en est pas gêné. Il y a aussi beaucoup plus de préverbes en hongrois qu’en français, ce qui crée de nouveaux mots que l’on est obligé de traduire par une périphrase”.
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